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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 10:32

bombe.jpgSivens, 25 octobre 2014 : un "engagement massif et violent des CRS (...), alors qu'il ne restait rien à protéger"

(Louise Fessard, Mediapart, 4 novembre 2014).

Un mort.

Les polémiques se déchaînent.

 

Certains mettent en cause la responsabilité (ou plutôt l'irresponsabilité) du jeune Rémi Fraisse qui participait à un affrontement avec les forces de l'ordre.Ses proches expliquent l'enchaînement des circonstances dans ce témoignage publié par Reporterre .

D'autres s'interrogent sur le caractère disproportionné du dispositif déployé dans la "guerre"qui oppose depuis de longs mois, pour schématiser, les pouvoirs publics à ceux qui contestent la pertinence et la légalité d'un projet de barrage. Toujours dans  Mediapart (6 novembre 2014), Michel Deléan écrit : "Des grenades offensives (OF) de ce type, la plupart des gendarmes mobiles avouent ne jamais en avoir lancé. Ce sont des armes de guerre, que seul un gradé peut projeter, et encore : dans certains cas bien précis, et seulement en les jetant à terre, prévoit le règlement. Mais cette nuit du 25 au 26 octobre, dans la forêt de Sivens, environ 40 grenades de type OF sont lancées par les militaires, sur un total de plusieurs centaines d’engins divers utilisés."

 

Paris, 7 janvier 2015 : une protection policière qui ne parvient pas à empêcher deux terroristes de pénétrer dans la rédaction de Charlie Hebdo.

Douze morts.

Aucune polémique.

 

Parce que là c'est la communauté nationale dans son entier qui est frappée. Frappée au coeur. La raison attendra un autre jour pour qu'un débat s'ouvre sur ces quelques éléments :

D'une part, "il y avait en permanence des forces de police pour surveiller les lieux jusqu'en septembre dernier" selon un témoignage recueilli par Violaine Jaussent (Francetvinfo.fr, 7 janvier 2015) 

Et de l'autre ce jour-là, le dispositif est tel que "deux hommes cagoulés et armés" peuvent, écrit Patricia Tourancheau dans Libération, se balader relativement tranquillement aux alentours immédiats de leur cible : "ils «se trompent de porte et cherchent Charlie Hebdo»", puis se font ouvrir la porte par une collaboratrice du journal qu'ils obligent à taper le code pour eux.

 

Loin de moi l'idée de laisser entendre que les services de sécurité et de renseignement auraient fauté. Auraient mal fait leur boulot face à cet attentat. Je ne le crois pas.

Si je mets en rapport ces deux événements, c'est parce que je crois simplement que ces services font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Et "ce qu'ils ont" - beaucoup (trop ?) à Sivens, peut-être trop peu à Charlie Hebdo - c'est politique.

Purement politique.

 

Deuil national oblige, il est indécent de parler de cela aujourd'hui. Trop tôt. Pas la question.

Eh bien pour moi, si, c'est la question.

 

Il en était question par exemple pas plus tard que dans le Canard enchaîné du 30 décembre dernier, page 3, dans l'article intitulé "La dernière balade d'un danger public" de Didier Hassoux. Le journaliste raconte qu'un homme fiché "comme un type dangereux, susceptible de commettre un attentat" et qui par conséquent "aurait dû être surveillé de très près" venait de se jeter sous un train à l'insu des services de renseignement. D'où cet aveu qui a forcément une résonnance terrible avec les circonstances tout juste évoquées de l'attentat du 7 janvier : "Il faut de 10 à 12 personnes pour surveiller un suspect 24 heures sur 24. Or nous manquons d'hommes et de financement", expliquait la sénatrice Nathalie Goulet spécialiste de la lutte contre les réseaux djihadistes.

 

Alors les terroristes de Charlie Hebdo : l'étaient-ils, suspects ? Font-ils partie de ces individus que l'État a la volonté... Mais pas les moyens de surveiller assez efficacement pour les empêcher de passer à l'acte ?

 

En tout cas, il n'a pas fallu 24 heures à la police pour identifier les coupables présumés.

En tout cas, l'un d'eux au moins avait un passé d'aspirant terroriste qui avait déjà fait couler de l'encre : voir cette histoire exhumée par P. Tourancheau encore, encore dans Libération, en 2005...

 

Donc suspects, je ne sais pas. Mais visiblement pas sortis de nulle part.

 

Alors quand je lis le genre d'activités de très très basse politique à laquelle les forces de l'ordre doivent se consacrer par ailleurs...

Toujours en lien avec les mobilisations écologistes actuelles, il y a par exemple ce témoignage d'un homme empêché d'aller manifester par l'intervention de policiers en civil. "Fouillé de force", il a été déféré au tribunal pour avoir  transporté un couteau à huîtres qu'il dit avoir "oublié" dans son sac.

 

"Terroriser les terroristes", disait Charles Pasqua.

Beau programme.

Mais si l'État n'a pas les moyens, il devrait peut-être cibler le "terroriste" avec un souci plus clairvoyant de l'intérêt général.


libertc3a9-d-expression.jpg"L'ennemi intérieur" contre lequel la France mobilise sa force publique et sa propagande, ce ne peut pas être des gens qui n'ont tué personne et qui se battent aussi pour obliger l'État à respecter la légalité... comme le rappelle cet inventaire des conflits d'intérêts et petits arrangements entre amis qui entourent le projet de Sivens - entre autres dossiers douteux.

"L'ennemi intérieur", il y en a un aujourd'hui. Un seul. Et il vient de commettre un crime contre la liberté d'expression.

 

La liberté d'expression, oui. Laisser s'exprimer les gens avec qui on est pas d'accord, tout ça.

Très politique, la liberté d'expression.

Alors ce qui serait beau, de la part de l'État, c'est qu'il réponde aux auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo sur ce terrain. Ils ont peur de la liberté d'expression ? Soutenons-la.

 

Ce pourrait être un geste pour Le Monde diplomatique qui vient de se faire sucrer ses aides tandis que Closer et autres Télé Z se gavent.

Ce pourrait être un geste pour Acrimed dont le travail de critique des médias demeure, aux yeux de l'administration (fiscale), trop "militant" pour être vraiment "d'intérêt général" ...

Il y a beaucoup à faire, vraiment. Les médias alternatifs, en particulier, ont besoin de la mobilisation de tous pour continuer de nous éclairer. Et l'État, on le voit, a un rôle à jouer pour les empêcher de crever pour de bêtes histoires de porte-monnaie.

 

En mémoire des victimes de Charlie Hebdo, je souhaite que le Gouvernement s'engage dans ce combat pour le pluralisme et la liberté d'expression.

En mémoire des victimes de Charlie Hebdo, je souhaite aussi que le Gouvernement comprenne qu'il ne faudra plus se tromper d'ennemi désormais.

 

J'ai d'énormes réserves sur la ligne éditoriale de ce journal. Mais ils ne sont pas les derniers à se préoccuper de l'écologie. Et même si je ne les lisais plus depuis longtemps, je pense qu'ils ne sont ou n'auraient pas été (pour les défunts) forcément très chauds à l'idée qu'un attentat à leur encontre puisse devenir le prétexte à un durcissement des lois sécuritaires.

On n'a pas besoin d'être davantage fliqués. On veut être bien fliqués et pour une bonne cause.

Et ça, Mesdames et Messieurs les politiques, je souhaite qu'une belle et saine polémique vous le rappelle très prochainement.

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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 12:05

Dans la tour de Babel

Où s'agitent les nains

Je frémis, tout d'un coup

En pensant à demain.

 

C'est l'entrée en fonction

D'un homme peu commun,

Certains disent qu'il est fou

Et d'autres : inhumain.

 

Mais la masse réclame

Qu'il balaie nos classiques ;

 

Moi j'appartiens au monde ancien

Et ma vie part à la poubelle.

(Dans la perspective de mai 2012)

© Astarpam, mars 2012

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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 11:56

Le tramway de la peur

Au départ, l'image qui glace.

Vous attendez le tramway pour aller travailler, ce mercredi matin, comme tous les jours. Il y a de l'agitation, comme tous les jours. Et soudain, vous remarquez un mouvement de foule pas ordinaire. Il y a des policiers en nombre. En intervention.

Une intervention de police, ça impressionne mais ça devrait être bon pour le moral : si tout va bien les fonctionnaires passent à autre chose et s'ils relèvent un trouble, ils essayent de rétablir l'ordre public.

Mais aujourd'hui, le "trouble à l'ordre public" a un étrange visage. Les policiers contrôlent un groupe formé de familles entières, chargées d'enfants et de bagages. Les autorités ont décidé de brandir et de faire retomber le bras armé de la Loi sur des gens dont le délit est aussi ordinaire que cette journée d'été : ces Rroms n'ont pas de place dans la Cité.

Leurs armes, ce sont des caddies, des poussettes, des ustensiles divers qui étalent des vies ordinaires sur le quai du tramway. 

Quand le tram finit par vous emmener loin de cette scène, votre petite existence ordinaire est du coup un peu ébranlée. Vous venez de voir comment la vie peut balayer, "au nom de la Loi", "au nom de l'ordre des choses", "au nom de la Crise", des wagons entiers de gens qui n'ont simplement plus leur place ici. Vous le saviez. Le voir en vrai, ça fait quand même un drôle de coup au moral.

Cette opération de police ordinaire vous a rappelé d'avoir peur.

 

Bon. Il y en aura bien d'autres, des scènes et mises en scène anxyogènes de ce genre.

Mais là, ce n'est pas fini.

 

Voilà qu'arrive l'image qui paralyse.

L'épisode auquel vous avez assisté est monté jusqu'à un journaliste de France Info.

"On sait bien que la gare de Bobigny a été le théâtre de déportation pendant la Grande Guerre", déclare au micro de cette radio le délégué général de Sud RATP, Philippe Touzet.

La confusion de langage de ce dernier est très révélatrice : il parle de "la Grande Guerre" pour désigner la Seconde Guerre mondiale de 1939-1945, alors que l'expression désigne historiquement la Première Guerre mondiale. Il témoigne ainsi de l'importance prépondérante que la guerre contre le nazisme a pris dans notre imaginaire collectif. La "grande" référence est là, c'est celle-là qui vient à l'esprit et à la bouche de tous ceux qui veulent attirer l'attention sur certaines extrêmités inadmissibles de notre société.

 

Et de fait, la référence qu'a employée le syndicaliste pour dénoncer l'affectation d'un tram spécial pour évacuer des familles de Rroms va très bien fonctionner.  Libération donne la parole à plusieurs responsables politiques qui s'en emparent à leur tour. On peut ainsi lire dans son article que "Cette scène «m’a rappelé des souvenirs d’école ou de cinéma», a déploré le conseiller général Gilles Garnier, qui a été témoin de l’arrivée du tramway à Noisy-le-Sec."

On y retrouve aussi des extraits du communiqué publié par la porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts, Cécile Duflot, qui prend cependant soin de ne pas évoquer explicitement les crimes nazis.

Pas la peine. Ses termes sont assez forts pour que les médias et l'opinion fassent l'amalgame tout seuls.

 

Les nazis. Hitler, le Grand méchant loup. Des crimes de masse perpétrés pendant des années avant que les Alliés et la Résistance se mobilisent d'abord, puis arrivent à mettre un terme à la barbarie.

Est-ce avec de telles références que nous, les Français d'aujourd'hui, pouvons réfléchir à la politique intelligente et humaine que nous voulons ? J'ai plutôt l'impression que cette manière de brandir l'horreur absolue, après la scène déjà traumatisante du mercredi matin, nous fait avancer encore un peu plus loin sur le chemin de la peur.

Certes la cause est juste et elle doit nous interpeller. Mais c'est trop facile de répéter en boucle que les autorités actuelles rejouent le passé. Ce qu'il faut regarder et analyser, c'est le présent qui rend de telles choses possibles.

Et dans cet effort de lucidité et de courage, toutes les peurs resteront toujours les pires conseillères qui soient. Que ce soit la peur d'un passé qui fait "honte", selon l'expression de Cécile Duflot, ou cette peur des Autres qui ne vivent pas comme il faut.

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 14:37

 

2011-Foot_by_Astarpam.jpg

 

Christophe Dugarry livre cette anecdote sur la Coupe du monde 1998 dans une interview au Parisien  :

 

« On était en train de prendre des photos avec la Coupe du monde, entre nous. Et Lilian [Thuram] dit : "Allez les Blacks, on fait une photo tous ensemble". Moi, je n'ai pas relevé, je n'ai pas fait l'amalgame, je n'ai pas mal interprété ses propos. Franck Leboeuf, lui, a remarqué et a lancé : "Lilian, qu'est-ce que tu dis ? Et si, moi, je disais : allez les Blancs, on fait une photo tous ensemble ?". Mais à aucun moment on s'est dit que Lilian était raciste. Lilian ne doit pas oublier qu'il arrive à tout le monde de dire des choses qui dépassent sa pensée ou qui peuvent être mal interprétées. »

 

Evidemment, la comparaison de Dugarry ne tient pas.

Ce ne sont pas des propos de vestiaires qui sont reprochés à Laurent Blanc aujourd'hui.

Le sélectionneur de l'équipe de France de football est mis en cause pour sa participation supposée à la mise en place d'une politique officielle bien que secrète de discrimination.

Ce qui est très différent du simple fait de "de dire des choses qui dépassent sa pensée ou qui peuvent être mal interprétées". Certes, cela "arrive à tout le monde". L'important, justement, est d'en rester au stade de la parole... sans passer à l'acte, et surtout pas dans le cadre de responsabilités publiques et officielles.

 

Cela étant, si elle est authentique, l'anecdote de Dugarry est intéressante.

Dugarry prétend que Thuram voulait immortaliser l'image des seuls Champions du monde noirs, à l'écart du reste du groupe.

Si la scène s'est réellement passée, elle met le doigt sur la mentalité d'un homme en particulier - Thuram - et sur la présence d'un état d'esprit particulier dans l'équipe de France de l'époque. Equipe qui a notamment marqué la carrière et la vie de Laurent Blanc, qui a conquis avec elle son titre de Champion du monde.

 

L'état d'esprit qui a pu animer Lilian Thuram à une époque de sa vie est impénétrable.

En revanche, nous avons tous en tête le slogan partagé à l'époque - et aujourd'hui encore - par l'ensemble de l'opinion : nous regardions l'EDF, et nous voyions... des "Blacks", des "Blancs", des "Beurs".

 

Certes réunis par de sympathiques traits d'union : l'équipe "black-blanc-beur", l'a-t-on baptisée.

Il n'empêche que la formule grave dans le marbre cette différence-là, celle de la couleur de peau.

 

Ouvrons d'abord

((((((une parenthèse pour rappeler que cette différence est relative et pas des plus passionnantes.

Ce qui se voit sur la peau est loin de raconter toute l'histoire et la généalogie d'une personne.

Et puis sur le terrain, il peut y avoir des complémentarités plus importantes : petits/grands gabarits, offensifs/défensifs, perso/collectif... Quand on s'intéresse au sport, ces critères-là aussi peuvent servir à décrire les qualités et l'alchimie d'un groupe de joueurs. Il faudrait réfléchir un peu pour les résumer dans un "gros titre" accrocheur, mais je suis sûre que c'est faisable.

fin de la parenthèse)))))

 

L'inconvénient majeur d'avoir fait de la réunion entre "blacks", "blancs" et "beurs" la marque de fabrique de France 98, c'est bien sûr le côté double tranchant.

Un beau jour de juillet, "tout le monde" (comme dit Dugarry) en fait un symbole de fraternité : on est tous différents, et pourtant on s'aime !

Mais quand certains termes de l'équation sont séparés des autres, ça peut résonner bizarrement. Or à en croire Dugarry, c'est tout simplement cela qui se passe dans la tête de nos Champions du monde. Thuram comme Blanc.

Ils regardent le terrain. Ils pensent blacks, ils pensent blancs, ils pensent beurs. Trois catégories de joueurs, comme au bon vieux temps rappelez-vous !

Puisque ces différences viennent naturellement dans la bouche de "tout le monde" en France, comment les empêcher de sauter aux yeux des professionnels du ballon rond ? Jusque-là tout va bien... Jusqu'à ce que, de fil en aiguille, ils finissent par mettre un filtre méchamment tricolore sur tout ce qui concerne le foot français.

Thuram, selon Dugarry, dans les vestiaires : cet événement "privé" ressemble à l'expression d'une fierté communautaire menant à l'exclusion de joueurs qu'on croyait pourtant solidaire de la victoire.

La DTN au quasi-complet, selon Mediapart  : là, la discrimination tacite serait "légalisée" à cause de différences artificielles érigées en critères de gestion.

 

C'est inexcusable. C'est une raison de plus, c'est l'ultime raison qui devrait nous empêcher de recycler encore et toujours le mythe de l'EDF "blackblancbeur".

A force de jouer avec les pots de couleurs, nous risquons tous de finir comme Laurent Blanc et consorts : éclatés au sol, après une très vilaine glissade dans de prétendues "différences raciales".

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 18:40

Soleil noir. Source: Alfanero.blogspirit.comLe Président des États-Unis annonce que ses services ont exécuté Oussama Ben Laden au cours d'une intervention dans la maison qu'il occupait au Pakistan.

 

Une voisine me dit : "J'ai peur".

Pour elle, l'annonce de la mort du fondateur d'Al Qaida ne règle rien.

 

Un inconnu dans le métro me dit : "Je suis content".

Pour lui, le fondateur d'Al Qaida paie pour ses crimes.

 

Et moi je ne ressens ni peur, ni joie.

Je suis un peu curieuse de la manière dont les partisans d'Al Qaida entendent cette annonce : ne viennent-ils pas d'obtenir un martyr de plus, et un martyr de première classe ?

Et puis je me demande ce que gagnent les victimes du terrorisme. Si cet homme est mort, n'est-ce pas avec ce privilège rare dont nous sommes nombreux à rêver : celui de pouvoir penser qu'on a accompli quelque chose, qu'on a donné un sens à sa vie ?

Cette idée me met mal à l'aise. Elle m'empêche de croire qu'on puisse jamais obtenir vengeance ou justice sur les plus grands monstres de l'Histoire.

 

A moins de se dire qu'Oussama Ben Laden était porté par des ambitions plus monstrueuses encore que ce qu'il a pu réaliser au cours de son existence. Des ambitions tellement inhumaines qu'elles sont vouées, à un moment ou à un autre, à l'échec.

Même trop tard, les hommes comme lui et les idées qu'ils lèguent seront toujours incapables d'aller aussi loin dans l'horreur qu'ils auront osé l'imaginer.

 

Ce constat-là n'est pas un soulagement. La mort d'un tel homme n'amène définitivement ni justice ni vengeance.

Juste un tout petit espace supplémentaire pour la paix et une piqûre de rappel : le combat contre l'inhumain continue, tous les jours.

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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 21:45

football-figurine-3D.jpgLes débats les plus creux se multiplient dans les médias autour de "l'affaire Cantona". Une démontration d'enculage de mouches où journalistes, politiques ou experts s'épuisent pour des raisons qui m'échappent.

 

Parce que franchement, je cherche en vain les déclarations d'Eric Cantona s'impliquant directement dans "l'affaire" des retraits en masse du 7 décembre.

Lui s'est contenté de formuler une analyse. Il était en tournage dans la région de Nantes. La presse locale vient l'interroger. Il en profite pour secouer le cocotier à sa manière.

Et son unique responsabilité dans l'histoire, à ma connaissance, s'arrête là : Canto est une star. Donc quand il livre publiquement des opinions qui débordent du politiquement correct, ils rencontrent un écho particulier.

 

Appel à la "Révolution !" ou simple coup de gueule ?

Quand Canto parle, la France entend des voix.

Ainsi sa vidéo bâclée a été repêchée par un quotidien britannique, le Guardian. Et elle a commencé à vivre sa vie, jusqu'à échouer dans l'un des jeux préférés des utilisateurs de Facebook : la création d'une machine à buzz déguisée en manifeste "révolutionnaire".

 

Et là, c'est le trou noir.

Est-ce que Cantona a dit qu'il participerait au mouvement? Aucune trace dans les médias, en tout cas.

Est-ce qu'il a au minimum apporté son soutien à l'initiative, dit : "Ouais les gars, vous avez tout compris. Je suis super fier que vous vous appropriiez mon idée"? Aucune trace dans les médias auxquels j'ai accès. Et vu comme ces médias sont en manque d'infos sur le sujet, je pense qu'ils m'auraient averti si Cantona était venu mettre son grain de sel chez les amis Facebook de sa bouteille à la mer.

Certes, malgré les débats à la con qui se multiplient, il n'est pas non plus venu dire : "Oh les mecs, moi j'ai rien à voir avec vos histoires. Cette interview c'était juste pour essayer d'ouvrir les yeux à tous ces grévistes et ces manifestants qu'on envoie à la chasse au gros avec un pauvre filet à papillon. Alors c'est pas pour me retrouver, moi, dans la situation du mec qui joue du miroir aux alouettes pour donner des sensations fortes au populo!"

 

Eric, je ne sais pas où il est. J'ai l'impression qu'il se lave les mains de cette histoire.

Au pire des cas (Cantona en mégalo-cynico-révolutionno en peau de lapin) il attend de voir ce qui se passe :

Si demain des milliers ou des millions de personnes saisissent la perche qu'il n'a pas tendue, il débarque en Sauveur avec moustache, béret, havane et plus si affinités ;

Et si rien ne se passe eh bien... rien ne se passe, et il trouvera bien une formule pour emballer toute cette histoire quand il se décidera à ouvrir à nouveau sa très sainte bouche.

Mais comme mon problème est justement l'absence de Cantona dans cette histoire, je ne vais pas m'intéresser plus longtemps aux raisons de le juger ou de l'encenser. Je voudrais qu'on m'explique. Qu'on m'explique pourquoi des usagers de Facebook prennent une interview de Cantona pour parole d'évangile, sans avoir l'air troublé par le silence d'un Messie pourtant bien vivant et qui reste pour l'instant libre de ses mouvements. Et qu'on m'explique aussi pourquoi les journalistes, les politiques et les experts, au lieu de s'interroger sur la manière dont une idée d'un people certes décalée devient quasiment le point de départ d'un messianisme anticapitaliste, se mettent à taxer de pyromane un citoyen qui s'est contenté de craquer une allumette dans son coin. 

 

Canto+Réseaux

Canto+Sociaux

=

Révolution 2.0

Il n'y a sans doute qu'une seule et même réponse aux deux questions : le sentiment que l'herbe est assez sèche pour que la première étincelle venue mette le feu au système. Mais ce n'est pas là l'essentiel.

Si on admet que les propos de Cantona sont bien plus un coup de gueule accrocheur qu'un cri de révolte généreux et rassembleur (ça l'est peut-être mais, encore une fois, Eric Cantona n'était pas explicitement en train de lancer un "appel" quand il a donné cette interview), alors leur intérêt relève avant tout de la manière dont ils ont été relayés et amplifiés. Ce qui fascine beaucoup de mondes aujourd'hui, c'est le phénomène Facebook. Peu importe le message tant qu'il est relayé par Facebook : la mode actuelle est de présenter Facebook comme l'événement en soi. Et même.... comme une révolution en soi.

Un événement qui n'a que des avantages dans le cas de la "révolution Cantona" puisque  : 

- d'un côté les banques ont de grandes chances de survivre au choc redouté - tant mieux pour elles

- tandis qu'en parallèle on aura vu des geeks, des gauchistes et plein de gens "responsables" communier dans un beau grand frisson collectif - tant mieux pour eux.

 

Moralité : Canto a bien raison de rester chez lui. Car la révolution 2.0, c'est une révolution par procuration. A peine s'est-elle trouvé un messie qu'elle n'a déjà plus besoin de lui.

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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 00:27

Il emménageait au Château avec une jolie petite famille.Peau de B...

Pas de chance : sa femme le laisse tout seul.

 

Il avait trouvé une remplaçante de caractère pour faire bien sur les photos.

Pas de chance : elle se transforme en potiche soumise.

 

Il voulait apprendre au pays à aimer la richesse (et les riches!).

Pas de chance : tombe la crise qui le force à parler de pauvreté.

 

Il était enfin prêt à construire "sa" grande réforme.

Pas de chance : son fossoyeur de la retraite meurt étouffé sous une montagne de fric.

 

Cinq ans de gâchés : c'est la faute à pas de chance.

 

... Et vous pensez aussi à ces lois qu'il tricote pour essayer de nous faire plaisir ?

Mais oui : c'est encore et toujours la faute à pas de chance, si les forces obscures du réel les rendent irréalisables. Ou illégales ?

Parce que s'il fallait prévoir les embêtements à venir pour gouverner, le job deviendrait vraiment trop embêtant. Gouverner, c'est promettre. Et ça, pas de chance, il sait très bien faire...

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7 août 2010 6 07 /08 /août /2010 13:32

DRVous dites "Vacances" ? Je pense "Bagnoles"... etc.

Neuves ou en voie d'extinction, pimpantes ou délabrées, vitres teintés ou racommodées au scotch, abandonnées en pleine rue ou surchargées au beau milieu du trafic : j'aime regarder les voitures.

J'admire d'abord le chassis. Puis mes yeux descendent chercher la plaque d'immatriculation. Parce que je suis curieuse et que le numéro de département d'une immatriculation peut être aussi surprenant, exotique, informatif que le reste de l'aspect extérieur d'une voiture.

 

C'est de moins en moins le cas, forcément, avec les nouvelles normes qui grignotent le paysage.

Il paraît pourtant que le numéro de département n'a pas disparu, en fait ! Mais je suppose que le piéton "moyen" ne le voit pas plus que moi. La plaque, j'y jette un oeil, je ne vais pas jusqu'à scruter son intimité. Le numéro de département, devenu invisible à l'oeil nu, ne sert donc au final que de très mauvaises causes.

 

Ce sont les pouvoirs publics qui ont vicié la signification de ce signe en permettant, dans un geste faussement généreux, de choisir un numéro de département à faire figurer sur la plaque. C'est artificiel puisque ce numéro ne fait plus partie des données d'identification du véhicule. Le ministère de l'Intérieur, qui a été contraint de faire cette concession pour apaiser la colère populaire, la présente donc comme un moyen d'"Afficher ses racines", lit-on.

Bravo. Très, très bien. Belle manière d'anticiper (en avril 2009), par une mesure administrative déroutante à tous points de vue, les sales manoeuvres du "Débat sur l'identité nationale" (d'octobre 2009) qui n'en finit pas de nous faire des noeuds dans la tête.


Comment un numéro de département pourrait-il afficher à lui seul mes racines ? - "Racines" au pluriel, notez bien : parce que dans l'attente d'une mesure de modernisation qui ne saurait tarder à germer dans l'esprit de grands serviteurs de l'État, la langue française ne permet pas de dire que "je suis fier de ma racine". Le mot racine, quand il s'applique à décrire l'histoire menant à l'existence d'un sujet donné, ne marche qu'au pluriel. "Je suis fier" ou "je suis en quête de mes racines".

Je le précise parce que le contenu et l'esprit du Débat sur l'identité nationale ont tendu à occulter le fait que l'identité est elle aussi, par définition, plurielle.

 

Quand l'identité objective se noie, l'identité subjective perd les pédales


La diffusion des nouvelles plaques montre donc bien la direction prise par une certaine idée du progrès, de la modernité :

- d'abord, l'idée que le progrès n'aurait pas besoin d'ancrer l'identité d'une chose et de l'individu qui lui est rattaché à un petit ensemble singulier. La voiture d'aujourd'hui est perdue dans la masse immense du parc automobile français, elle arrive d'un lieu non-déterminé.

Je relève la même anonymisation dans les nouveaux numéros de téléphone, les portables en 06 mais surtout les fixes en 09. Alors que les opérateurs permettent de transférer l'ancien numéro de fixe avec son identifiant géographique, j'ai l'impression que la majorité des acheteurs de "box" permettant avec un seul abonnement de se connecter à plusieurs réseaux (téléphone+internet+TV) sacrifient sans réfléchir leur "01", "05, "02" pour endosser le numéro de la modernité : 09. Dans ces conditions, parlons tous anglais ou esperanto et gommons bien soigneusement ces vilains petits détails qui nous rattachent à une bête réalité matérielle : là, j'appelle quelqu'un qui se trouve à Saint-Jean-de-Bigorre, puis un autre à Ensisheim. C'est pas très important mais c'est du réel ! Et ça m'intéresse donc autant que l'identité virtuelle que nous essayons de nous construire.

- virtuel : d'un côté il y a donc des pouvoirs et une opinion qui s'indignent quand des personnes résidant en France affichent sur leur balcon ou devant leur mairie un drapeau "étranger". Ou mettons plutôt, au hasard, algérien (ce blogueur ayant attiré mon attention sur le fait qu'il y a quand même des signes "étrangers" qui heurtent moins les sensibilités que d'autres). Et de l'autre, nous voilà tous encouragés, nous automobilistes de France, à nous coller aux fesses très officiellement un petit macaron sentimental. À condition de rester dans les limites de l'acceptable - ou du déraisonnable, au choix : l'affinité est priée de se limiter à un seul de la centaine de départements français, en faisant semblant de ne pas voir le reste du monde à nos portes.

Au moins on sort de l'anonymat, manière de reconnaître qu'une appartenance un petit peu limitée a encore un sens pour l'identité d'un individu. C'est bien. Mais dans quelles conditions : cela revient ni plus ni moins à donner une caution administrative au chauvinisme."Chauvinisme" désignant grosso modo un communautarisme qui glorifierait l'appartenance à la France.

Loin de moi l'idée de me scandaliser de ce mot de "communautarisme". Le communautaire fait partie de la vie, de l'identité. Je pense cependant qu'il devient étouffant, voire dangereux pour soi-même et pour les autres, quand il se traduit par un rejet de toute autre appartenance : l'idée que de se mêler à d'autres communautés, et l'idée surtout que l'on ne peut appartenir qu'à une seule communauté et que la reconnaissance que l'on a d'autres liens à d'autres communautés est une trahison "des siens". Le numéro de département ou de téléphone déterminé mécaniquement en fonction du lieu de résidence avait cette fonction-là : il n'enferme pas l'individu dans une identité fermée, il se contente d'exprimer une réalité qui n'a jamais empêché de se coller d'autres signes d'appartenance de son choix.

On avait le droit d'être fier de ce numéro, ou de tout faire pour montrer son rejet, et aussi d'y être indifférent : dans les trois cas, il y a une réflexion à plusieurs dimensions sur laquelle on pouvait revenir. Dire un jour : "ouais, j'habite à Paris et qu'est-ce-qu'ils sont cons ces Parisiens". Et le lendemain : "Ouais je suis parisien et je t'emmerde." Avec mon préféré : "J'habite à Paris, c'est vrai, c'est un coin que je connais bien. Mais j'aime pas tout à Paris, faut pas déconner." Quand on a décidé de faire graver le numéro d'un département précis sur sa plaque officielle, on devient lié à une appartenance, une seule, qui du coup implique qu'on a décidé de ne pas se reconnaître dans les autres. J'ai une partie de ma famille ici ; une autre ici ; je passe du temps dans ce coin et je m'y sens bien ; et puis il y a aussi mon mari qui est attaché à son propre département ; bon, je choisis l'Allier et je vais devoir la défendre, cette appartenance.

 

Anonyme d'abord. Communautariste ensuite pour essayer de récupérer des bribes d'identité. Et demain, intégriste ?

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 13:18

C'est le principe de l'aile du papillon : un volcan se réveille en Islande, et les flux du monde entier - économiques, diplomatiques, etc. :  humains, quoi - se dérèglent.

 

Les médias ont tenté pendant plusieurs jours de nous expliquer que cette relation de cause à effet était mécanique, quasi naturelle, en vertu d'une équation "nuage de cendres = dégâts sur les avions = danger de mort = gel du trafic aéoroportuaire".

La désorganisation massive qui ne pouvait qu'en résulter était donc assumée.

Mais depuis peu, comme avec Xynthia, le consensus se fissure. La désorganisation est tellement puissante qu'elle finit quand même par faire réfléchir... On a entendu le ministre Borloo déclarer qu'il valait mieux ne pas compter sur une sortie de crise trop proche ; mais on voit aussi des avions oser - enfin ! - tester les conditions réelles de navigation. Histoire de vérifier que les prévisions alarmistes correspondent vraiment à quelque chose...


Vérifier l'hypothèse avant de prendre les décisions qui s'imposent : élémentaire. Mais j'ai comme l'impression que cette étape-là a été jusqu'à présent plutôt bâclée. Il y a eu quoi, quelques grandes et fortes images pour nous prouver le danger encouru : ces avions de l'armée finlandaise dont les réacteurs se seraient quasiment dissous dans la tourmente, c'est à peu près la seule anecdote concrète qui me soit venue aux oreilles. Autrement dit : un événement très localisé dans le temps et dans l'espace (aérien), qui montre bien qu'il y a un danger mais dont je ne vois pas en quoi il pourrait décrire l'état du ciel de l'ensemble de l'Europe sur l'ensemble des jours écoulés.

Alors, aiguillonée par la réalisation (tardive) d'essais (à Bruxelles ce dimanche 18 avril par exemple), je reprends le processus plus calmement.

 

Non, la décision de fermer l'espace aérien européen n'est pas tout à fait "tombée du ciel" par la volonté impérieuse de la Nature. Il a fallu que des hommes, de simples êtres humains s'emparent de la situation : analyse, interprétation. Décision.

Et il faut qu'ils soient forts, ces hommes, pour convaincre tout le monde - au moins l'espace d'un instant - de la nécessité d'un branle-bas général. Dans l'actualité récente, je ne vois guère que l'OMS pour avoir réussi à diffuser une telle campagne de prévention internationale pour un risque qui n'a été sérieusement mesuré que bien plus tard. Trop tard, puisque tout le monde s'était déjà enseveli sous une débauche de parapluies... grand ouverts bien que le ciel soit quasiment sans nuage.

Alors, qui ? Il semble que les autorités aériennes de chaque pays se soient unanimement conformées aux recommandations d'une seule et unique autorité : L'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne. A voir les doutes et l'impatience actuels de certaines de ces autorités, je suppose qu'elles ont agi comme on le fait généralement face à une situation inédite : le premier réflexe, moutonnier, est de suivre le troupeau - c'est à dire en fait le berger qui marche en tête avec son chien, son bâton, bref avec l'autorité que lui confèrent son expertise et sa capacité supposée à avoir une vision globale de la situation.

Or il serait temps d'apprendre à se méfier sérieusement de ces histoires de "vision" et d'"expertise" globales. Ce sont des compétences nécessaires, mais pas suffisantes pour la gestion des complexes affaires humaines.

 

Loin de moi l'idée de dire que cette Agence Européenne de la Sécurité Aérienne, que l'OMS ou que n'importe laquelle de ces super-structures ne servent à rien et qu'il faut s'en débarasser définitivement. Seulement leur poids objectif donne un poids disproportionné à leurs avis. Etant très, très au-dessus des réalités ordinaires, elles ne voient souvent que... que la partie émergée de l'iceberg, peut-être ? La métaphore est grossière, mais je tente le coup.

Ouh là ! Gros objet en vue. Le capitaine fait alors le nécessaire, avec une parfaite maîtrise de soi, pour que le Titanic ne fonce pas droit sur le gros morceau de glace. Au lieu de cogner l'étrave une bonne fois pour toute contre l'iceberg, il va donc provoquer involontairement l'éventrement complet de son navire en lançant la coque contre de redoutables lames de glace, invisibles lorsqu'on reste coincé dans un cockpit de science et de puissance. C'est bien que le capitaine ait vu l'iceberg. Il n'aurait pas été inutile qu'il entende aussi l'avis de personnes qui savent d'expérience de quoi est fait l'iceberg.

 

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De toute façon, à la fin, le danger est là et il aura inévitablement des conséquences. Seulement les super-agents du monde savent qu'ils s'exposent tellement aux regards, dans leurs grandes tours de verre, qu'on les montrera tout de suite du doigt si quelques dizaines de personnes viennent à mourir spectaculairement de l'impact direct avec des cendres volcaniques ou un nouveau virus. Ils sont donc les premiers à ouvrir le parapluie... pour eux-mêmes.

Comment ? En faisant en sorte que ces quelques dizaines de personnes n'aient pas la possiblité de mourir face aux caméras du monde entier.

 

"Mais il faut empêcher tout le monde de vivre, alors ?

- C'est cela : empêchons les gens de vivre, ils éviteront de mourir... Pas pour toujours, certes. Il est probable que beaucoup mourront des effets collatéraux de nos politiques de prévention : des suites de la dépression qu'engendre la vie en milieu aseptisée, des effets secondaires des traitements et vaccins mis sur le marché à la hâte, des faillites auxquelles nous acculerons quelques entrepreneurs un peu trop dépendants des échanges aériens... Mais puisqu'il faut bien mourir un jour, autant que ça se passe discrètement, sans traumatiser l'opinion mondiale ! Bloquez, bloquez tout."

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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 21:15
Si j'écris "Nique la polémique!", je parais grossière.pointsdex.jpg
Pourtant "nique" m'arrache bien moins les oreilles que toutes ces "polémiques" dont retentissent les médias français depuis plusieurs années.

Le mot polémique dérive du grec polemos qui signifie guerre : le terme est fort.
Et si je le prends par ce bout-là, j'en viens à me demander si tous les sujets auxquels on colle le label "Polémique" du jour, de la semaine ou de l'année valent bien une guerre...

Les Belges ont déjà joué cette comédie-là l'an dernier. Pour l'instant, c'est bien la seule affaire qui ne semble pas menacer réellement l'équilibre du pays.
Merci à cette grande cité du Nord ouvrier d'alimenter avec assiduité la chronique de la vie musulmane en France. Roubaix passait déjà à la fin du XXème siècle pour une conquête islamique. La défaite de la gastronomie "traditionnelle" qui s'y joue aujourd'hui donne enfin de vraies raisons d'avoir peur.
  • Polémique !! Je n'ai pas pu entrer dans un bar gay car "les femmes sont interdites à l'intérieur"
Ah non, cette guerre-là n'aura pas lieu. C'est vexant, certes. J'aurais peut-être même pu crier à la discrimination.
Mais je dois avouer que je n'ai pas eu cette présence d'esprit sur le coup. Et à tête reposée, je suis contente d'avoir poursuivi mon chemin sans polémiquer ni insulter personne.
Peu m'importe en effet de savoir ce que la loi dit à ce sujet, et si ce bar dispose d'une autorisation spéciale pour refuser des clients (un club en a le droit, par exemple). Quand je suis chez moi, j'aime choisir les personnes auxquelles j'ouvre ma porte ou non. Alors si je montais un bar destiné à être d'abord un lieu de convivialité et non une simple entreprise commerciale, j'apprécierais qu'on respecte mon choix d'accueillir une clientèle particulière. C'est une règle comme une autre : difficile à accepter ou à comprendre parfois, mais légitime.

La polémique se moque bien de ce genre de considérations philosophiques. Mon exclusion d'un bar gay pourrait sans doute faire parler. Parce qu'elle correspond à quelques-uns des principes observables dans les deux premières "polémiques".
Certes, il n'y est pas question d'islam, sujet très prisé. Mais:
1) j'aurais pu brandir la discrimination: trouver un sujet porteur, c'est important.
2) pour le sujet porteur, il est opportun d'oser une provocation concernant une minorité en train de faire valoir ses droits contre les préjugés et l'oppression: ou-ah, c'est tellement politiquement incorrect de dénoncer les "abus" de musulmans, d'homosexuels... Comme le polémiste sait parler beaucoup, beaucoup, sans jamais tomber dans le piège de la nuance, ça va cogner.
3) il faut aussi penser qu'une bonne polémique doit être récurrente. Si elle a pris une fois au moins, les esprits sont prêts. Elle peut repartir. Et je n'ai pas été longue à trouver au moins un exemple d'une Canadienne qui est allée jusqu'à porter plainte pour "l'humiliation" subie à la terrasse d'un bar gay...

La plainte est la suite presque logique de la polémique. Voyez comment réagit le mouvement Ni Pute Ni Soumise. La polémique finit par retrouver son sens étymologique, même voire surtout sur les sujets les plus futiles.

Comme si la démocratie avait "besoin" de jouer à la guerre, frustrée par la paix qui prévaut en France depuis des décennies. Il me semble que nous devrions au contraire retrouver la mesure des choses en utilisant des termes plus appropriés.
  • Deux camps s'opposent sur un sujet complexe ? C'est un débat, pas une polémique. 
Pas besoin de jouer à la guerre, au contraire : la guerre détruit tout, elle appelle à se laisser aveugler par la haine pour mieux détruire l'ennemi. Alors que les hommes politiques, ceux qui se présentent aux élections et siègent dans des assemblées de la République en particulier, sont censés croire aux vertus du dialogue, du respect mutuel, du compromis.
Préférer la polémique au débat,  c'est rentrer ni plus ni moins dans une logique dictatoriale où seule la raison du plus fort a droit de cité.
  • Un événement grave suscite l'émotion générale ? C'est un scandale, pas une polémique.
Seuls de puissants manipulateurs parviendront à nous faire croire qu'on peut "débattre" ou "polémiquer" :
- du montant des notes de frais (et du bilan carbone !) de l'Elysée ;
- du fait qu'un grand patron dirige simultanément une entreprise privée et une entreprise publique ;
- ou de la signification de certaines réflexions sur les immigrés, juifs, musulmans et autres Français d'origine étrangère.
Parce qu'objectivement, il arrive un moment où toute l'opinion sait que quelque chose ne tourne pas rond. Il est donc inconcevable de voir que les médias, contre toute évidence et dans un "effort d'objectivité" clairement hypocrite, continuent à tourner autour du pot. Si bien que les personnes censées défendre l'opinion générale finissent elles-mêmes par s'embourber dans leur démonstration.
Quand le scandale se métamorphose en pseudo-polémique, le sens de ce que dit chaque camp n'importe plus. On compte les points pour l'amour de l'art, en se disant que cet ignoble porte-parole UMP dit vraiment des insanités, mais qu'il les défend mieux que ce lamentable porte-parole PS qui ne sait que s'opposer sans jamais annoncer ce que son parti fera demain pour arranger tout cela...
Il me semble qu'avec un scandale, tout est plus clair, plus propre. Ceux qui se sentent concernés savent que les paroles ne suffisent pas. Une seule solution : agir, se dresser pour faire connaître le scandale et le faire cesser. Peut-être que le scandale continuera ou recommencera. Mais il permet d'avoir une idée de qui a raison, et qui a tort.

Avec la polémique, allez savoir ! Les médias qui la font vivre (et qu'elle fait vivre) se garderont bien de trancher.
Elle fait de si belles images à la Une, comme la guerre, cette boucherie absurde de la polémique.
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