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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 22:37
Depuis quelques semaines, Eric Woerth est particulièrement soigné par Le Canard enchaîné.
Les coin-coin les plus sonores (à mon avis) concernent la double casquette de l'homme politique. D'ailleurs, l'hebdomadaire satirique s'entête à recouvrir de cette coiffe toute nouvelle allusion à Eric Woerth.

Voir, par exemple, l'édition du 6 janvier 2010 :

Woerth-Canard-060109Eric Woerth inaugure l'année en meilleure place de la page la plus lue (la page 2) du Canard. Bravo !
L'ascension a été rapide, mais riche en rebondissements. Je cite en effet de mémoire les "dossiers" ouverts récemment sur son compte :

- le fait que M. Woerth occupe simultanement les fonctions de ministre du Budget (et des Comptes publics, et de la Fonction publique, et de la Réforme de l'Etat) et de trésorier du parti majoritaire ;
- les prévisions opportunément élastiques de ses services à Bercy (ci-contre) ;
- la mutation d'un fonctionnaire coupable d'avoir, un soir, laissé son fils à la porte du logement de fonction qu'il occupe à Bercy.

Tout cela a été développé non pas en 3 simples articles, mais au fil d'une série comprenant plusieurs brèves et allusions, une enquête, un portrait éclaboussant au passage Madame Woerth...
Or l'obstination du Canard ne doit jamais rien au hasard. Cette accumulation fait penser que l'hebdomadaire a une dent contre Woerth, et chercherait à le déstabiliser.

La tâche est d'autant plus tentante que Monsieur Woerth ne se prive pas d'essayer de se faire mousser de son côté. Mais la rocambolesque histoire des 3000 fraudeurs qu'il se faisait fort de débusquer au fond de leurs réserves suisses ne peut pas expliquer, à elle seule, l'intérêt prononcé du Canard enchaîné pour une lumière parmi d'autres du Gouvernement actuel. Alors :

Est-ce à cause de scandales à venir, ou d'ores et déjà couverts par le très (trop) bien placé trésorier de l'UMP? Est-ce pour pousser ce dernier à la faute ? Pour égratigner son image de premier de la classe ? Dans l'espoir d'atteindre la machine UMP ou d'autres personnalités à travers à lui...?

... En fait, je ne saurai le "pourquoi" de tout ça que si la manoeuvre en cours parvient à son terme. Ce qui n'a rien d'évident.
Car, certes, les attaques ciblées contre la modeste personne d'Eric Woerth sont assez frontales et argumentées. Mais elles ne contiennent pour l'instant rien d'assez décisif pour tenir d'elles-mêmes.
Elles s'apparentent donc davantage à des signaux adressés aux initiés des mondes politiques et médiatiques. Des "initiés" qui :
- sont "invités" à s'emparer du cas Woerth sur les faits déjà exposés ;
- ou bien sont prévenus de l'imminence de révélations de plus grande ampleur ;
- mais qui peuvent aussi laisser Le Canard le bec dans l'eau si la sauce ne prend pas !
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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 19:23
Devinette :
Un couple de Parisiens jeunes, beaux et modernes des années 1980 se promène en amoureux... Où va-t-il ?

Réponse :
Ici...
Les_Halles-Porte_Lescot-Moi_voilouir_toi.jpg

C'est le film Moi vouloir toi (Patrick Dewolf, France, 1985) qui m'a rappelé les moeurs de ces temps heureux.
Et l'insertion de ce plan au milieu de la balade romantique de Patrick (Gérard Lanvin) et Alice (Jennifer, qui était apparemment aussi une star de la chanson) m'a fait tomber de ma chaise. Les choses ont quand même changé en 15 ans.
Pour ceux qui ne croiraient pas que ce film met en scène la "modernité" de l'époque, voici un petit rappel des faits :
- Patrick, le héros, est l'animateur des matinales de NRJ. Donc il parle fort, il est viril. Il a aussi un côté rétro avec sa Harley Davidson fétiche et ses petites manies... Oui, l'homme moderne du cinéma français est comme ça, dans les années 80 : il est costaud, mais il doit quand même s'accrocher pour tenir le coup contre l'adversité en général, et en particulier contre la femme moderne qui lui en fait voir de toutes les couleurs.
- la femme moderne c'est Alice, l'héroïne : elle est directrice artistique d'un groupe de rock. Elle a bossé comme une dingue pour s'en sortir, et elle continue car elle tient farouchement à son indépendance. Elle parvient au passage à épuiser le pauvre Patrick en passant ses nuits en club, et en le remettant à sa place dès qu'il fait un pas de travers. Du genre: "Ouais, tu veux m'épouser parce que t'as peur de finir seul. Mais tu vois, pour préserver notre amour, je préfère qu'on reste libres."

Voilà, c'est maintenant démontré : Alice et Patrick ne sont pas des ringards.
Pourquoi j'insiste? Parce que je ne m'attendais pas à voir une publicité pour les Halles se glisser au milieu d'une conversation entre ces amants rock et tendresl. Surprise, abasourdie, ça m'a fait monter un gros coup d'aigreur sur le destin de ce lieu.
Comme tout le monde, je pense, j'ai fini par m'habituer au Forum des Halles. C'est un quartier comme un autre, qui a juste la malchance d'être très voyant parce qu'il est en plein milieu de Paris. Mais bon, tellement voyant que j'y passe sans faire attention.
L'apparition de son logo façon "années 80" m'a rappelé que les Halles sont aussi un symbole de tous les aménageurs fous qui se sont succédés à Paris depuis des décennies. Regardez l'image à nouveau : Les Halles est écrit "comme à la main", avec en plus une déformation de chaque mot qui fait penser au mouvement, à la décontraction, voire peut-être à l'esquisse d'un coeur.
Finalement oui, si je me replace dans le contexte, ce logo devait être perçu comme un symbole de modernité à l'époque du film.

Et quelle modernité !
Je suis trop jeune pour pleurer sur l'ancien carreau des Halles, ses pavillons Baltard, ses troquets, ses marchands des quatre-saisons et ses bouchers... Mais je suis déjà assez vieille pour savoir ce qui était en train de disparaître en 1985, au détour d'un gentil film romantique.
Oh, l'évolution a pris du temps. Si j'en crois l'historique des Halles de Paris, le désir de faire table rase du passé commence bien avant l'inauguration du "centre commercial et de loisirs" en 1979 - un projet qui est d'ailleurs né dans la douleur. Mais c'est pour cela que le clin d'oeil qu'y fait le réalisateur de Moi vouloir toi n'est pas anodin : il ne parle pas que de l'architecture d'un coin de Paris, mais d'une évolution sociale qu'on peut voir comme un progrès... ou non. En résumé:
- Les Halles ancienne version, c'était le temple du commerce. Et j'aime le commerce qui implique l'échange, qui implique une relation d'égal à égal entre le marchand et le client.
- Les Halles "modernes" sont devenues un temple de la consommation. Et même si je suis consommatrice, je ne trouve pas ce statut très valorisant: le consommateur, c'est un être qu'on gave, c'est un être dont on sait que le but n'est pas de manger, de boire, de s'équiper, de s'habiller - il a déjà largement de quoi pourvoir à ces besoins primaires - mais de consommer. Ce qu'on lui vend, c'est le superflu: l'emballage, le gadget de fidélité, la promesse de faire sourire la caissière et de ne pas le faire attendre, des innovations à n'en plus finir pour qu'il soit sûr de ne jamais acheter deux fois la même chose...

Voilà pourquoi il n'est pas incongru, dans Moi vouloir toi, d'emmener deux amoureux se promener au Centre commercial le plus moderne de Paris. Ils sont passifs, ils n'ont rien de spécial à faire: ils n'ont qu'à aller aux Halles ! Alors que 50 ans plus tôt, un film prenant les Halles pour décor montrait au contraire des personnages en action, des lutteurs pleinement engagés dans la vie ou la survie.
Vous trouvez la nuance entre commerce et consommation abstraite ? Je la ressens très vite quand j'entre dans un magasin. J'aime qu'un commerçant ait un avis sur ses produits. J'aime qu'il bouscule mes goûts. Je suis prête à payer cher pour cela, et à revenir, et à ramener du monde : la relation humaine qui s'établit au moment de l'achat va donner une valeur supplémentaire à ce dernier. A l'inverse, je suis prête à me passer de l'objet donc j'ai le plus besoin si le vendeur m'a traitée comme s'il s'imaginait que je n'ai pas le choix, comme si je n'avais qu'à payer et partir.

Attention : il n'y a pas d'âge pour être mauvais commerçant. J'entre parfois dans des boutiques très "vieille France" où tout respire l'amour du commerce et du travail bien fait et où, malgré ou à cause de cela, les maîtres des lieux ont la bêtise d'accueillir le client inconnu comme un intrus. Tant mieux pour eux : je ne les dérangerai plus.
Mais c'est vrai que l'inaptitude au commerce me frappe particulièrement chez les plus jeunes. Il est visible que beaucoup s'embauchent dans ce secteur comme autrefois on entrait à l'usine : parce que c'est un secteur en pleine expansion qui recrute à tour de bras. Je regrette très égoïstement d'avoir à subir leur ennui, voire le mépris qu'ils affichent pour cacher leur déplaisir de se retrouver au service d'autrui.
Les seuls qui s'y retrouvent sont peut-être ceux qui ont autant de mépris pour le commerce que pour la consommation. Je n'y arrive pas, car j'ai toujours eu beaucoup de plaisir à essayer d'accueillir, écouter et satisfaire n'importe qui ; un effort qui me permet de remettre aussi n'importe qui à sa place quand il en vient à croire qu'un commerçant serviable peut être traité comme une serpillière...

Moi vouloir toi commence par un joli chassé-croisé sentimental dans l'effervescence des années 1980. Et puis la manière dont Patrick et Alice apprennent à se construire une belle histoire d'amour finit par ne plus intéresser qu'eux-mêmes.
Au Forum des Halles, même histoire: la satisfaction des besoins de l'Homme moderne a été trop pensée et repensée, au lieu de continuer à s'épanouir à son rythme et avec ses défauts. L'hypocrisie spontanée qui fait tout le charme du commerce a été remplacée par la "libération" du consommateur : plus besoin de réfléchir, plus besoin de prendre son temps, plus besoin de se déplacer!
Désormais, le consommateur se laisse guider par l'enchêvetrement de couloirs, d'arbres et de fontaines qui dissimulent le vilain appât du gain du commerçant. Et après coup, s'il se rend compte de l'absurdité de son geste, il se console en se rappelant que "le consommateur a des droits!" On réfléchit, on se plaint, on négocie, mais après-coup.

La belle affaire, des droits ! Avec les droits, il y a toujours des devoirs, et même des conditions à respecter pour faire valoir ces droits : avoir des droits, c'est déjà être en position d'infériorité et de dépendance. La belle Alice aussi revendique "ses droits" de femme libérée face à Gérard Lanvin. Cela leur rend la vie un peu plus compliquée à tous les deux, et trente ans plus tard le Paysage Audiovisuel Français n'en finit pas de se moquer des névroses de "la femme libérée" et de son homme de moins en moins homme.
Non, vraiment, est-ce un progrès de voir la société obligée de se préoccuper de "défense du consommateur"? Ce serait plutôt la preuve que le consommateur est désormais aussi mal traité que les femmes - justement, les travailleurs, les enfants et autres espèces menacées à travers le monde...
Je préfèrerais qu'on se rappelle que "le client est roi" : il a peut-être besoin après tout, pour être satisfait, d'imposer au commerçant inlassablement patient et souriant ses hésitations, ses pertes de temps, ses caprices, son besoin d'être rassuré... Aujourd'hui, ce principe-clé du plus petit commerçant de quartier passe pour un luxe désuet, un bonbon qu'on accepte avec beaucoup d'étonnement. La norme serait plutôt cette boulangère d'une grande enseigne parisienne qui m'engueule presque parce qu'elle n'a pas le produit que je demande, puis qui met dix minutes à me rendre la monnaie parce qu'elle commente son planning avec une collègue, et qui me laisse partir sans m'avoir jeté un seul regard. Que je me sens con-sommatrice dans ces cas-là...

Avant de refermer cet arrêt sur image, une remarque. Ce n'est pas uniquement à cause de ma confusion mentale que cette diatribe, peut-être, manque de clarté. J'accuse encore une fois la modernité, qui prend un malin plaisir à jouer sur les mots !
C'est elle qui parle de "consomm-acteur" pour flatter le client, ou de "centres commerciaux" à propos d'infrastructures qui misent plus sur des "stratégies marketing" que sur le sens du commerce. Et c'est la modernité enfin qui a choisi de garder le nom des Halles, pour que le promeneur puisse plus facilement prendre l'agitation du Forum pour le dynamisme d'antan.... jusqu'à ce que de nouveaux aménageurs fous décrètent que cette modernité-là ne fut que gâchis et déclin continu, et qu'il est temps de moderniser tout cela.
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5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 01:51

Pour faire une bonne crème au chocolat, faut-il l'épaissir avec des jaunes d'oeuf ou avec de la Maïzena?
C'était ma grande question du Nouvel an. Parce que forcément, ayant très bien mangé pendant les fêtes, j'ai eu envie de nouveaux plaisirs. Et je me suis souvenu de la crème aux 3 parfums que la mère d'une amie nous avait appris à faire un été.

... Pour faire une crème aux 3 parfums, on versait dans un plat le contenu de 3 casseroles de crème simultanément. On obtenait des tiers imbriqués les uns dans les autres: vanille, chocolat et café.
Il était triplement bon, ce mélange. C'est ce qui m'a donné envie d'adapter la recette.

Mais pour "adapter", il fallait déjà savoir comment préparer une crème "nature" aussi bonne que celle que je mangeais enfant.
J'ai donc comparé diverses recettes sur Internet. J'ai éliminé celles qui croient devoir utiliser de la crème fraîche. Et comme je m'y attendais, je me suis retrouvée au milieu d'un match entre crème aux jaunes d'oeuf et crème à la Maïzena. Et aucun internaute amateur de crème ne prenait partie pour ou contre l'une des deux options.
J'imagine pourtant que la différence doit se sentir, car:
- Lait et jaune d'oeuf, il me semble que c'est la base de la crème anglaise: c'est très bon, mais plutôt liquide.
- Lait et Maïzena? Là, je pense à une recette de bouillie. Ce n'est pas ce que je cherche non plus.

La suite est logique: le compromis jaune d'oeufs et Maïzena a fini par l'emporter.
Une crème douce, onctueuse... Après dégustation, le verdict est confirmé: Olivier_222 propose une très bonne recette sur Marmiton.org.
Voici comment je me suis inspirée de sa "crème simplette au chocolat" (modeste, va!):

- je mélange 4 jaunes d'oeuf avec 8 cuillérées de Maïzena dans un saladier.
- je dilue très progressivement cette préparation avec 50 cL de lait.
- je la verse dans une casserole, en y ajoutant 1,5 L de lait et 200 g de sucre roux. (ces proportions sont valables dans l'hypothèse où une quinzaine de personnes est attendue pour le goûter, ou si vous avez l'intention de manger de la crème à tous les repas pendant 4 jours...)
- je fais chauffer à feu doux, en remuant longtemps, jusqu'à ce la crème épaississe. Elle ne doit pas bouillir.


Pour l'instant, la crème n'a pas de parfum. Mais le meilleur arrive.
... Si j'ai décidé de m'en faire un double délice, c'est à cause de ces nouvelles tablettes que je vois au rayon "Pâtisserie" des supermarchés et que je n'avais jamais essayées: les tablettes de chocolat blanc pâtissier.
Voilà donc le plan: je suis en train de préparer une crème aux chocolats noir et blanc.

Pour cela, la dernière étape est décisive:
- je verse une moitié de la crème dans une seconde casserole.
- dans l'une des casseroles, je mets à fondre 100 g de chocolat à pâtisserie.
- dans l'autre, je mets à fondre 125 g de chocolat blanc à pâtisserie.
- quand les deux crèmes ont fini de prendre (j'ai dû pour cela passer la crème au chocolat noir au mixer: le chocolat avait mal fondu, il faisait des paillettes dans la préparation), je verse simultanément le contenu de chaque casserole dans un grand saladier. Je veille à ce que les deux crèmes se répartissent bien en moitiés, sans se mélanger.


La crème a refroidi près de la fenêtre, puis a passé 2 heures au frigo comme le conseille Olivier_222.
Merci à lui!
J'en parlerai peut-être à Yvette, 87 ans, qui n'en croyait pas ses oreilles à Noël: "Ah bon, on peut faire la cuisine sur internet, maintenant...?!" Elle était prête à jeter à la poubelle ses livres de cuisine !
J'ai eu très peur. Quand on a eu la chance, grâce à Yvette, d'être nourri d'après les évangiles de Lenôtre et consorts, c'est pas facile tous les jours d'en être réduit à comparer 50 recettes anonymes sur le net.

PS: j'avais aussi été très impressionnée, il y a longtemps, par la recette de crème aux amandes dont Simone de Beauvoir nous régalait au début des Mémoires d'une jeune fille rangée. Un livre que je n'ai pas lu, en fait. J'ai dû le refermer presque tout de suite après cette mise en bouche...
D'après Simone de Beauvoir, donc, il y avait un secret derrière la réussite de la crème de son enfance : l'ajout d'une noisette de beurre au dernier moment.
Des cuisinières reprennent ce truc un peu partout. Elles mettent une noisette de beurre ou du papier beurré à la surface de la crème pendant qu'elle refroidit, pour éviter la formation d'une peau.
Donc j'ai à mon tour déposé de petits morceaux de beurre sur la crème, que j'ai ensuite recouverte d'un papier fin pour que le gras se répande sur la surface. Et quand j'ai retiré le papier, de grands morceaux de la surface sont partis avec. Pourquoi pas? C'est une façon de ne pas avoir de "peau" sur la crème ; mais pour l'esthétique, on peut s'en passer...
Peut-être que la prochaine fois j'incorporerai directement le beurre dans les crèmes, "à la Simone", pour voir.
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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 14:14
L'affaire traîne depuis des années.
La revoilà : et si l'Eglise catholique béatifiait Pie XII ?

Et on ose encore dire que le Vatican est vieux jeu !
Je ne sais pas ce qu'il vous faut : du buzz, de la polémique. Benoît XVI connaît son bréviaire de la com au moins aussi bien que son prédécesseur. Il a juste décidé de changer les codes, en se lançant dans une course effrénée à l'impopularité.

Risqué ? Je dirais d'abord : efficace. La planète entière est derrière lui, prête à s'indigner. Il suffit de lui laisser le temps d'attraper la boulette, de la gober, et de bien la remâcher pour en faire le parfait chiffon rouge qui départagera les bons et les méchants le moment venu.
C'est exactement ce qui s'est passé avec "l'affaire Pie XII" millésime 2009. Le Vatican a lancé un ballon d'essai il y a quelques mois. Les initiés ont protesté une première fois. Mais en me rendant alors sur Wikipedia pour essayer de me faire une opinion sur l'intérêt de la polémique en devenir, j'avais eu la surprise de trouver une page bien propre. Une page dont les auteurs présentaient ce Pape comme "un défenseur des juifs pendant la Shoah", point barre.
Mais aujourd'hui, miracle: la polémique a enfin atteint Wikipedia. Elle est à point !

Scoop : le Pape est un chef d'Etat qui fait de la politique, pas de la morale

Et comme tous les buzz lancés par le Pape en exercice - ils sont nombreux - celui-là me fait doucement rigoler.
Soit l'opinion qui se dresse de manière si pavlovienne contre chacune des initiatives vaticanes est de parfaite mauvaise foi, soit elle se berce d'illusions concernant la nature de l'Eglise catholique.
Cette dernière se positionne très peu en fonction de critères moraux. La morale, les grands et les petits principes qui permettent de progresser sur la voie de l'humanité sont, au mieux, du ressort des "fonctionnaires" de l'Eglise catholique et de tous les cultes en général. Il y a une fracture nette, essentielle, entre le secours que la religion peut apporter sur le terrain, et ce qui se joue au sommet de la hiérarchie de ces religions dont la fonction est de gérer des questions de pouvoir.
Le Pape est un chef d'Etat. Les fidèles de l'Eglise catholique ont le droit de le prendre comme chef spirituel. Mais les non-catholiques, dans la mesure où ils n'adhèrent pas aux valeurs de cette communauté, n'ont pas à juger ce chef d'Etat sur des critères autres que politiques.

Ce fait me semble essentiel pour dépassionner un peu la question du rôle de Pie XII durant la Seconde guerre mondiale.
S'est-il moralement comporté comme un saint ? Je trouverais franchement exagéré que le Vatican conclue en ce sens. Mais l'annuaire des saints catholiques est ainsi fait : il mélange joyeusement des âmes sans doute exceptionnelles à de pures ordures.
Pourquoi, alors, ne pas imaginer que Pie XII se situe quelque part entre ces deux extrêmes ? Cette hypothèse-là n'a pas ou peu voix au chapitre dans la polémique actuelle. Et cette absence de modération révèle à quel point l'opinion publique s'accroche à une conception dangereusement manichéenne de l'histoire de la Seconde guerre mondiale.

Du danger de se focaliser sur un Pape "bouc-émissaire": que les puissances irréprochables d'un bout à l'autre de  la Seconde guerre mondiale jettent la première pierre...

image.ashx.jpgIl faut parler du poids de l'anti-judaïsme chrétien dans les mentalités : il existe, et a certainement joué un rôle dans les complicités dont a bénéficié le régime nazi.
Demandons-nous cependant si les membres de la communauté internationale qui se sont battus contre ce régime ont montré réellement plus de clairvoyance que le chef d'Etat Pie XII concernant l'Holocauste. Les manuels d'histoire n'ont pas la place d'approfondir ce sujet. Mais des intellectuels, eux, osent dévoiler les ambiguïtés des acteurs que l'histoire officielle a rangé du côté des "gentils", du côté de ceux qui ont courageusement lutté contre la barbarie ambiante.

En bousculant un peu les idées reçues, on découvre ainsi des faces pas très sympathiques de la Résistance française. On peut aussi se plonger dans l'étonnante enquête de Laurel Leff, Relégué en page 7: Quand le New York Times fermait les yeux sur la Shoah.

Le débat sur la béatification de Pie XII pourrait être salutaire. Si seulement les "opposants" à Benoît XVI ne se laissaient pas piéger par la dialectique caricaturale du Vatican - une dialectique typique de tout endoctrinement politique, où la notion de complexité est évacuée au profit d'une opposition simpliste entre Paradis et Enfer, Héros et Traîtres, Hommes et Sous-hommes...
En bref, une dialectique dont l'histoire de la Seconde guerre mondiale devrait au contraire nous inciter à sortir. La question n'est vraiment pas de savoir de savoir si Pie XII fut un saint ou un salaud, mais pourquoi et comment ce chef d'Etat a pu osciller entre ces deux attitudes. J'espère qu'à l'ouverture des archives du Vatican, prévue pour 2013, cette interrogation essentielle sur le pouvoir et la politique saura l'emporter sur la tentation d'un énième lynchage papal.
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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 04:11
Le 5 décembre, le Journal du Dimanche publie un appel contre "La décision envisagée par M. le Ministre de l’Education nationale, dans le cadre de la réforme des lycées, de rendre optionnelle l’histoire-géographie en terminale scientifique".
Ce qui fait le poids de cette pétition, c'est qu'elle a été signée par des "universitaires, personnalités artistiques et politiques" comme l'indique l'hebdomadaire. Et de fait, l'ensemble de la presse fait écho à ce qu'elle baptise "L'appel d'historiens contre la suppression de l'histoire-géo".

Pourquoi que des "historiens" contre une mesure qui concerne aussi les géographes?

"d'historiens".... Bizarre, non? Pourquoi que des "historiens" puisque la géographie est elle aussi menacée? Mais si l'on reprend la liste des signataires de la première heure, il apparaît que le raccourci employé par la presse n'est pas déplacé. Il y a bien un philosophe dans la liste des "universitaires" connus qui ont souscrit à l'appel du JDD. Et même un démographe: on se rapproche... Mais aucun géographe pour exprimer sa "stupéfaction" auprès du Gouvernement.

Couverture-Revue Herodote-4eme trim 1976-Editeur MasperoIl en existe pourtant quelques-uns. Je ne sais pas si les instigateurs de l'appel l'ignorent, ou ont échoué à les contacter, ou si les personnes contactées ont décliné la proposition. Ce que je vois, c'est que "la presse" ne semble pas avoir pris la peine de relever cette absence.
Tout simplement parce que la géographie à l'école n'intéresse pas grand-monde, et pas seulement en Terminale S. Comme le révèle l'appel du JDD, malgré lui peut-être, la  "-géo" n'est qu'une parenthèse accolée à cette maîtresse héroïque, fougueuse, palpitante, qu'est l'histoire.

Les économistes, les climatologues, les militaires, les voyageurs de plus en plus nombreux et toute l'histoire de la Mondialisation parlent abondamment de géographie. Oui, mais les dirigeants français ont décrété son inutilité. Alors c'est dans l'ombre que les géographes se passionnent et luttent pour leur discipline, comme Yves Lacoste par exemple:

"La géographie est encore plus bradée que l'histoire."
"Pourquoi se préoccuper de la liquidation de la géographie dans l'institution scolaire française?"


Cet avis de décès du célèbre géographe a été publié dans sa revue, Hérodote, en... 1976. Il s'agissait alors d'une réaction à la refonte des enseignements et des manuels scolaires. Yves Lacoste annonçait que la rivalité entre histoire et géographie n'allait pas cesser d'augmenter dans le piètre espace qui leur était laissé. Toujours au profit de la première.

Aujourd'hui en France, quand on assassine la géographie, plus personne ne s'en aperçoit!

Plus de trente ans ont passé depuis le cri d'Hérodote. Je peux donc comprendre que les géographes ne prennent plus la peine de "se défendre" (publiquement) contre les tentatives de les bouter hors de l'école. Ils y sont depuis longtemps indésirables. Et certains professeurs d'histoire(-géo) n'ont vraiment rien fait pour les sauver...
Je pense, là, à l'exemple d'un de mes professeurs en filière Littéraire : il faisait littéralement la grimace quand il fallait aborder les sujets de géographie. Ses cours, passionnants quand il s'agissait d'histoire, consistaient alors à annoner des séries de chiffres et à écorcher les mots "étrangers".

C'est dire si le ministère de l'Education Nationale avait les moyens de la faire passer en douceur, sa politique de réduction d'effectifs - au moins en partie. Au lieu de supprimer la géographie et l'histoire dans une seule classe, ses responsables auraient réussi un très beau coup en annonçant l'abolition de la géographie pour tous. La France entière aurait applaudi. Mon ex-prof d'histoire(-géo) n'aurait sûrement pas été le dernier à se consoler des heures d'enseignement perdues, en rendant grâces au Gouvernement pour cette délivrance!
Mais il n'est pas trop tard : grâce au JDD, le ministère de l'Education Nationale sait maintenant comment regagner des points de popularité sans fâcher personne. Les géographes sont manifestement à point ; ils ne verront même pas passer la signature sur l'acte de décès - officiel, cette fois - de leur discipline.

Et puisque la connaissance du passé peut désormais n'être qu'une option, du moins pour les futures élites (oui, il paraît que les élèves de la filière Scientifique sont destinées à s'élever au-dessus des autres. ???), personne n'est obligé non plus de se pencher sur le titre un peu trop actuel de ce dossier d'Hérodote en 1976 :
"Brader la géographie.... Brader l'idée nationale?"
Ils ne comprennent décidément rien à la politique moderne, les adeptes de cette foutue géo!
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