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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 11:56

Le tramway de la peur

Au départ, l'image qui glace.

Vous attendez le tramway pour aller travailler, ce mercredi matin, comme tous les jours. Il y a de l'agitation, comme tous les jours. Et soudain, vous remarquez un mouvement de foule pas ordinaire. Il y a des policiers en nombre. En intervention.

Une intervention de police, ça impressionne mais ça devrait être bon pour le moral : si tout va bien les fonctionnaires passent à autre chose et s'ils relèvent un trouble, ils essayent de rétablir l'ordre public.

Mais aujourd'hui, le "trouble à l'ordre public" a un étrange visage. Les policiers contrôlent un groupe formé de familles entières, chargées d'enfants et de bagages. Les autorités ont décidé de brandir et de faire retomber le bras armé de la Loi sur des gens dont le délit est aussi ordinaire que cette journée d'été : ces Rroms n'ont pas de place dans la Cité.

Leurs armes, ce sont des caddies, des poussettes, des ustensiles divers qui étalent des vies ordinaires sur le quai du tramway. 

Quand le tram finit par vous emmener loin de cette scène, votre petite existence ordinaire est du coup un peu ébranlée. Vous venez de voir comment la vie peut balayer, "au nom de la Loi", "au nom de l'ordre des choses", "au nom de la Crise", des wagons entiers de gens qui n'ont simplement plus leur place ici. Vous le saviez. Le voir en vrai, ça fait quand même un drôle de coup au moral.

Cette opération de police ordinaire vous a rappelé d'avoir peur.

 

Bon. Il y en aura bien d'autres, des scènes et mises en scène anxyogènes de ce genre.

Mais là, ce n'est pas fini.

 

Voilà qu'arrive l'image qui paralyse.

L'épisode auquel vous avez assisté est monté jusqu'à un journaliste de France Info.

"On sait bien que la gare de Bobigny a été le théâtre de déportation pendant la Grande Guerre", déclare au micro de cette radio le délégué général de Sud RATP, Philippe Touzet.

La confusion de langage de ce dernier est très révélatrice : il parle de "la Grande Guerre" pour désigner la Seconde Guerre mondiale de 1939-1945, alors que l'expression désigne historiquement la Première Guerre mondiale. Il témoigne ainsi de l'importance prépondérante que la guerre contre le nazisme a pris dans notre imaginaire collectif. La "grande" référence est là, c'est celle-là qui vient à l'esprit et à la bouche de tous ceux qui veulent attirer l'attention sur certaines extrêmités inadmissibles de notre société.

 

Et de fait, la référence qu'a employée le syndicaliste pour dénoncer l'affectation d'un tram spécial pour évacuer des familles de Rroms va très bien fonctionner.  Libération donne la parole à plusieurs responsables politiques qui s'en emparent à leur tour. On peut ainsi lire dans son article que "Cette scène «m’a rappelé des souvenirs d’école ou de cinéma», a déploré le conseiller général Gilles Garnier, qui a été témoin de l’arrivée du tramway à Noisy-le-Sec."

On y retrouve aussi des extraits du communiqué publié par la porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts, Cécile Duflot, qui prend cependant soin de ne pas évoquer explicitement les crimes nazis.

Pas la peine. Ses termes sont assez forts pour que les médias et l'opinion fassent l'amalgame tout seuls.

 

Les nazis. Hitler, le Grand méchant loup. Des crimes de masse perpétrés pendant des années avant que les Alliés et la Résistance se mobilisent d'abord, puis arrivent à mettre un terme à la barbarie.

Est-ce avec de telles références que nous, les Français d'aujourd'hui, pouvons réfléchir à la politique intelligente et humaine que nous voulons ? J'ai plutôt l'impression que cette manière de brandir l'horreur absolue, après la scène déjà traumatisante du mercredi matin, nous fait avancer encore un peu plus loin sur le chemin de la peur.

Certes la cause est juste et elle doit nous interpeller. Mais c'est trop facile de répéter en boucle que les autorités actuelles rejouent le passé. Ce qu'il faut regarder et analyser, c'est le présent qui rend de telles choses possibles.

Et dans cet effort de lucidité et de courage, toutes les peurs resteront toujours les pires conseillères qui soient. Que ce soit la peur d'un passé qui fait "honte", selon l'expression de Cécile Duflot, ou cette peur des Autres qui ne vivent pas comme il faut.

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 14:37

 

2011-Foot_by_Astarpam.jpg

 

Christophe Dugarry livre cette anecdote sur la Coupe du monde 1998 dans une interview au Parisien  :

 

« On était en train de prendre des photos avec la Coupe du monde, entre nous. Et Lilian [Thuram] dit : "Allez les Blacks, on fait une photo tous ensemble". Moi, je n'ai pas relevé, je n'ai pas fait l'amalgame, je n'ai pas mal interprété ses propos. Franck Leboeuf, lui, a remarqué et a lancé : "Lilian, qu'est-ce que tu dis ? Et si, moi, je disais : allez les Blancs, on fait une photo tous ensemble ?". Mais à aucun moment on s'est dit que Lilian était raciste. Lilian ne doit pas oublier qu'il arrive à tout le monde de dire des choses qui dépassent sa pensée ou qui peuvent être mal interprétées. »

 

Evidemment, la comparaison de Dugarry ne tient pas.

Ce ne sont pas des propos de vestiaires qui sont reprochés à Laurent Blanc aujourd'hui.

Le sélectionneur de l'équipe de France de football est mis en cause pour sa participation supposée à la mise en place d'une politique officielle bien que secrète de discrimination.

Ce qui est très différent du simple fait de "de dire des choses qui dépassent sa pensée ou qui peuvent être mal interprétées". Certes, cela "arrive à tout le monde". L'important, justement, est d'en rester au stade de la parole... sans passer à l'acte, et surtout pas dans le cadre de responsabilités publiques et officielles.

 

Cela étant, si elle est authentique, l'anecdote de Dugarry est intéressante.

Dugarry prétend que Thuram voulait immortaliser l'image des seuls Champions du monde noirs, à l'écart du reste du groupe.

Si la scène s'est réellement passée, elle met le doigt sur la mentalité d'un homme en particulier - Thuram - et sur la présence d'un état d'esprit particulier dans l'équipe de France de l'époque. Equipe qui a notamment marqué la carrière et la vie de Laurent Blanc, qui a conquis avec elle son titre de Champion du monde.

 

L'état d'esprit qui a pu animer Lilian Thuram à une époque de sa vie est impénétrable.

En revanche, nous avons tous en tête le slogan partagé à l'époque - et aujourd'hui encore - par l'ensemble de l'opinion : nous regardions l'EDF, et nous voyions... des "Blacks", des "Blancs", des "Beurs".

 

Certes réunis par de sympathiques traits d'union : l'équipe "black-blanc-beur", l'a-t-on baptisée.

Il n'empêche que la formule grave dans le marbre cette différence-là, celle de la couleur de peau.

 

Ouvrons d'abord

((((((une parenthèse pour rappeler que cette différence est relative et pas des plus passionnantes.

Ce qui se voit sur la peau est loin de raconter toute l'histoire et la généalogie d'une personne.

Et puis sur le terrain, il peut y avoir des complémentarités plus importantes : petits/grands gabarits, offensifs/défensifs, perso/collectif... Quand on s'intéresse au sport, ces critères-là aussi peuvent servir à décrire les qualités et l'alchimie d'un groupe de joueurs. Il faudrait réfléchir un peu pour les résumer dans un "gros titre" accrocheur, mais je suis sûre que c'est faisable.

fin de la parenthèse)))))

 

L'inconvénient majeur d'avoir fait de la réunion entre "blacks", "blancs" et "beurs" la marque de fabrique de France 98, c'est bien sûr le côté double tranchant.

Un beau jour de juillet, "tout le monde" (comme dit Dugarry) en fait un symbole de fraternité : on est tous différents, et pourtant on s'aime !

Mais quand certains termes de l'équation sont séparés des autres, ça peut résonner bizarrement. Or à en croire Dugarry, c'est tout simplement cela qui se passe dans la tête de nos Champions du monde. Thuram comme Blanc.

Ils regardent le terrain. Ils pensent blacks, ils pensent blancs, ils pensent beurs. Trois catégories de joueurs, comme au bon vieux temps rappelez-vous !

Puisque ces différences viennent naturellement dans la bouche de "tout le monde" en France, comment les empêcher de sauter aux yeux des professionnels du ballon rond ? Jusque-là tout va bien... Jusqu'à ce que, de fil en aiguille, ils finissent par mettre un filtre méchamment tricolore sur tout ce qui concerne le foot français.

Thuram, selon Dugarry, dans les vestiaires : cet événement "privé" ressemble à l'expression d'une fierté communautaire menant à l'exclusion de joueurs qu'on croyait pourtant solidaire de la victoire.

La DTN au quasi-complet, selon Mediapart  : là, la discrimination tacite serait "légalisée" à cause de différences artificielles érigées en critères de gestion.

 

C'est inexcusable. C'est une raison de plus, c'est l'ultime raison qui devrait nous empêcher de recycler encore et toujours le mythe de l'EDF "blackblancbeur".

A force de jouer avec les pots de couleurs, nous risquons tous de finir comme Laurent Blanc et consorts : éclatés au sol, après une très vilaine glissade dans de prétendues "différences raciales".

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 18:40

Soleil noir. Source: Alfanero.blogspirit.comLe Président des États-Unis annonce que ses services ont exécuté Oussama Ben Laden au cours d'une intervention dans la maison qu'il occupait au Pakistan.

 

Une voisine me dit : "J'ai peur".

Pour elle, l'annonce de la mort du fondateur d'Al Qaida ne règle rien.

 

Un inconnu dans le métro me dit : "Je suis content".

Pour lui, le fondateur d'Al Qaida paie pour ses crimes.

 

Et moi je ne ressens ni peur, ni joie.

Je suis un peu curieuse de la manière dont les partisans d'Al Qaida entendent cette annonce : ne viennent-ils pas d'obtenir un martyr de plus, et un martyr de première classe ?

Et puis je me demande ce que gagnent les victimes du terrorisme. Si cet homme est mort, n'est-ce pas avec ce privilège rare dont nous sommes nombreux à rêver : celui de pouvoir penser qu'on a accompli quelque chose, qu'on a donné un sens à sa vie ?

Cette idée me met mal à l'aise. Elle m'empêche de croire qu'on puisse jamais obtenir vengeance ou justice sur les plus grands monstres de l'Histoire.

 

A moins de se dire qu'Oussama Ben Laden était porté par des ambitions plus monstrueuses encore que ce qu'il a pu réaliser au cours de son existence. Des ambitions tellement inhumaines qu'elles sont vouées, à un moment ou à un autre, à l'échec.

Même trop tard, les hommes comme lui et les idées qu'ils lèguent seront toujours incapables d'aller aussi loin dans l'horreur qu'ils auront osé l'imaginer.

 

Ce constat-là n'est pas un soulagement. La mort d'un tel homme n'amène définitivement ni justice ni vengeance.

Juste un tout petit espace supplémentaire pour la paix et une piqûre de rappel : le combat contre l'inhumain continue, tous les jours.

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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 21:45

football-figurine-3D.jpgLes débats les plus creux se multiplient dans les médias autour de "l'affaire Cantona". Une démontration d'enculage de mouches où journalistes, politiques ou experts s'épuisent pour des raisons qui m'échappent.

 

Parce que franchement, je cherche en vain les déclarations d'Eric Cantona s'impliquant directement dans "l'affaire" des retraits en masse du 7 décembre.

Lui s'est contenté de formuler une analyse. Il était en tournage dans la région de Nantes. La presse locale vient l'interroger. Il en profite pour secouer le cocotier à sa manière.

Et son unique responsabilité dans l'histoire, à ma connaissance, s'arrête là : Canto est une star. Donc quand il livre publiquement des opinions qui débordent du politiquement correct, ils rencontrent un écho particulier.

 

Appel à la "Révolution !" ou simple coup de gueule ?

Quand Canto parle, la France entend des voix.

Ainsi sa vidéo bâclée a été repêchée par un quotidien britannique, le Guardian. Et elle a commencé à vivre sa vie, jusqu'à échouer dans l'un des jeux préférés des utilisateurs de Facebook : la création d'une machine à buzz déguisée en manifeste "révolutionnaire".

 

Et là, c'est le trou noir.

Est-ce que Cantona a dit qu'il participerait au mouvement? Aucune trace dans les médias, en tout cas.

Est-ce qu'il a au minimum apporté son soutien à l'initiative, dit : "Ouais les gars, vous avez tout compris. Je suis super fier que vous vous appropriiez mon idée"? Aucune trace dans les médias auxquels j'ai accès. Et vu comme ces médias sont en manque d'infos sur le sujet, je pense qu'ils m'auraient averti si Cantona était venu mettre son grain de sel chez les amis Facebook de sa bouteille à la mer.

Certes, malgré les débats à la con qui se multiplient, il n'est pas non plus venu dire : "Oh les mecs, moi j'ai rien à voir avec vos histoires. Cette interview c'était juste pour essayer d'ouvrir les yeux à tous ces grévistes et ces manifestants qu'on envoie à la chasse au gros avec un pauvre filet à papillon. Alors c'est pas pour me retrouver, moi, dans la situation du mec qui joue du miroir aux alouettes pour donner des sensations fortes au populo!"

 

Eric, je ne sais pas où il est. J'ai l'impression qu'il se lave les mains de cette histoire.

Au pire des cas (Cantona en mégalo-cynico-révolutionno en peau de lapin) il attend de voir ce qui se passe :

Si demain des milliers ou des millions de personnes saisissent la perche qu'il n'a pas tendue, il débarque en Sauveur avec moustache, béret, havane et plus si affinités ;

Et si rien ne se passe eh bien... rien ne se passe, et il trouvera bien une formule pour emballer toute cette histoire quand il se décidera à ouvrir à nouveau sa très sainte bouche.

Mais comme mon problème est justement l'absence de Cantona dans cette histoire, je ne vais pas m'intéresser plus longtemps aux raisons de le juger ou de l'encenser. Je voudrais qu'on m'explique. Qu'on m'explique pourquoi des usagers de Facebook prennent une interview de Cantona pour parole d'évangile, sans avoir l'air troublé par le silence d'un Messie pourtant bien vivant et qui reste pour l'instant libre de ses mouvements. Et qu'on m'explique aussi pourquoi les journalistes, les politiques et les experts, au lieu de s'interroger sur la manière dont une idée d'un people certes décalée devient quasiment le point de départ d'un messianisme anticapitaliste, se mettent à taxer de pyromane un citoyen qui s'est contenté de craquer une allumette dans son coin. 

 

Canto+Réseaux

Canto+Sociaux

=

Révolution 2.0

Il n'y a sans doute qu'une seule et même réponse aux deux questions : le sentiment que l'herbe est assez sèche pour que la première étincelle venue mette le feu au système. Mais ce n'est pas là l'essentiel.

Si on admet que les propos de Cantona sont bien plus un coup de gueule accrocheur qu'un cri de révolte généreux et rassembleur (ça l'est peut-être mais, encore une fois, Eric Cantona n'était pas explicitement en train de lancer un "appel" quand il a donné cette interview), alors leur intérêt relève avant tout de la manière dont ils ont été relayés et amplifiés. Ce qui fascine beaucoup de mondes aujourd'hui, c'est le phénomène Facebook. Peu importe le message tant qu'il est relayé par Facebook : la mode actuelle est de présenter Facebook comme l'événement en soi. Et même.... comme une révolution en soi.

Un événement qui n'a que des avantages dans le cas de la "révolution Cantona" puisque  : 

- d'un côté les banques ont de grandes chances de survivre au choc redouté - tant mieux pour elles

- tandis qu'en parallèle on aura vu des geeks, des gauchistes et plein de gens "responsables" communier dans un beau grand frisson collectif - tant mieux pour eux.

 

Moralité : Canto a bien raison de rester chez lui. Car la révolution 2.0, c'est une révolution par procuration. A peine s'est-elle trouvé un messie qu'elle n'a déjà plus besoin de lui.

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 13:18

C'est le principe de l'aile du papillon : un volcan se réveille en Islande, et les flux du monde entier - économiques, diplomatiques, etc. :  humains, quoi - se dérèglent.

 

Les médias ont tenté pendant plusieurs jours de nous expliquer que cette relation de cause à effet était mécanique, quasi naturelle, en vertu d'une équation "nuage de cendres = dégâts sur les avions = danger de mort = gel du trafic aéoroportuaire".

La désorganisation massive qui ne pouvait qu'en résulter était donc assumée.

Mais depuis peu, comme avec Xynthia, le consensus se fissure. La désorganisation est tellement puissante qu'elle finit quand même par faire réfléchir... On a entendu le ministre Borloo déclarer qu'il valait mieux ne pas compter sur une sortie de crise trop proche ; mais on voit aussi des avions oser - enfin ! - tester les conditions réelles de navigation. Histoire de vérifier que les prévisions alarmistes correspondent vraiment à quelque chose...


Vérifier l'hypothèse avant de prendre les décisions qui s'imposent : élémentaire. Mais j'ai comme l'impression que cette étape-là a été jusqu'à présent plutôt bâclée. Il y a eu quoi, quelques grandes et fortes images pour nous prouver le danger encouru : ces avions de l'armée finlandaise dont les réacteurs se seraient quasiment dissous dans la tourmente, c'est à peu près la seule anecdote concrète qui me soit venue aux oreilles. Autrement dit : un événement très localisé dans le temps et dans l'espace (aérien), qui montre bien qu'il y a un danger mais dont je ne vois pas en quoi il pourrait décrire l'état du ciel de l'ensemble de l'Europe sur l'ensemble des jours écoulés.

Alors, aiguillonée par la réalisation (tardive) d'essais (à Bruxelles ce dimanche 18 avril par exemple), je reprends le processus plus calmement.

 

Non, la décision de fermer l'espace aérien européen n'est pas tout à fait "tombée du ciel" par la volonté impérieuse de la Nature. Il a fallu que des hommes, de simples êtres humains s'emparent de la situation : analyse, interprétation. Décision.

Et il faut qu'ils soient forts, ces hommes, pour convaincre tout le monde - au moins l'espace d'un instant - de la nécessité d'un branle-bas général. Dans l'actualité récente, je ne vois guère que l'OMS pour avoir réussi à diffuser une telle campagne de prévention internationale pour un risque qui n'a été sérieusement mesuré que bien plus tard. Trop tard, puisque tout le monde s'était déjà enseveli sous une débauche de parapluies... grand ouverts bien que le ciel soit quasiment sans nuage.

Alors, qui ? Il semble que les autorités aériennes de chaque pays se soient unanimement conformées aux recommandations d'une seule et unique autorité : L'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne. A voir les doutes et l'impatience actuels de certaines de ces autorités, je suppose qu'elles ont agi comme on le fait généralement face à une situation inédite : le premier réflexe, moutonnier, est de suivre le troupeau - c'est à dire en fait le berger qui marche en tête avec son chien, son bâton, bref avec l'autorité que lui confèrent son expertise et sa capacité supposée à avoir une vision globale de la situation.

Or il serait temps d'apprendre à se méfier sérieusement de ces histoires de "vision" et d'"expertise" globales. Ce sont des compétences nécessaires, mais pas suffisantes pour la gestion des complexes affaires humaines.

 

Loin de moi l'idée de dire que cette Agence Européenne de la Sécurité Aérienne, que l'OMS ou que n'importe laquelle de ces super-structures ne servent à rien et qu'il faut s'en débarasser définitivement. Seulement leur poids objectif donne un poids disproportionné à leurs avis. Etant très, très au-dessus des réalités ordinaires, elles ne voient souvent que... que la partie émergée de l'iceberg, peut-être ? La métaphore est grossière, mais je tente le coup.

Ouh là ! Gros objet en vue. Le capitaine fait alors le nécessaire, avec une parfaite maîtrise de soi, pour que le Titanic ne fonce pas droit sur le gros morceau de glace. Au lieu de cogner l'étrave une bonne fois pour toute contre l'iceberg, il va donc provoquer involontairement l'éventrement complet de son navire en lançant la coque contre de redoutables lames de glace, invisibles lorsqu'on reste coincé dans un cockpit de science et de puissance. C'est bien que le capitaine ait vu l'iceberg. Il n'aurait pas été inutile qu'il entende aussi l'avis de personnes qui savent d'expérience de quoi est fait l'iceberg.

 

tombe-abandonnee-p5210194.jpg

De toute façon, à la fin, le danger est là et il aura inévitablement des conséquences. Seulement les super-agents du monde savent qu'ils s'exposent tellement aux regards, dans leurs grandes tours de verre, qu'on les montrera tout de suite du doigt si quelques dizaines de personnes viennent à mourir spectaculairement de l'impact direct avec des cendres volcaniques ou un nouveau virus. Ils sont donc les premiers à ouvrir le parapluie... pour eux-mêmes.

Comment ? En faisant en sorte que ces quelques dizaines de personnes n'aient pas la possiblité de mourir face aux caméras du monde entier.

 

"Mais il faut empêcher tout le monde de vivre, alors ?

- C'est cela : empêchons les gens de vivre, ils éviteront de mourir... Pas pour toujours, certes. Il est probable que beaucoup mourront des effets collatéraux de nos politiques de prévention : des suites de la dépression qu'engendre la vie en milieu aseptisée, des effets secondaires des traitements et vaccins mis sur le marché à la hâte, des faillites auxquelles nous acculerons quelques entrepreneurs un peu trop dépendants des échanges aériens... Mais puisqu'il faut bien mourir un jour, autant que ça se passe discrètement, sans traumatiser l'opinion mondiale ! Bloquez, bloquez tout."

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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 14:14
L'affaire traîne depuis des années.
La revoilà : et si l'Eglise catholique béatifiait Pie XII ?

Et on ose encore dire que le Vatican est vieux jeu !
Je ne sais pas ce qu'il vous faut : du buzz, de la polémique. Benoît XVI connaît son bréviaire de la com au moins aussi bien que son prédécesseur. Il a juste décidé de changer les codes, en se lançant dans une course effrénée à l'impopularité.

Risqué ? Je dirais d'abord : efficace. La planète entière est derrière lui, prête à s'indigner. Il suffit de lui laisser le temps d'attraper la boulette, de la gober, et de bien la remâcher pour en faire le parfait chiffon rouge qui départagera les bons et les méchants le moment venu.
C'est exactement ce qui s'est passé avec "l'affaire Pie XII" millésime 2009. Le Vatican a lancé un ballon d'essai il y a quelques mois. Les initiés ont protesté une première fois. Mais en me rendant alors sur Wikipedia pour essayer de me faire une opinion sur l'intérêt de la polémique en devenir, j'avais eu la surprise de trouver une page bien propre. Une page dont les auteurs présentaient ce Pape comme "un défenseur des juifs pendant la Shoah", point barre.
Mais aujourd'hui, miracle: la polémique a enfin atteint Wikipedia. Elle est à point !

Scoop : le Pape est un chef d'Etat qui fait de la politique, pas de la morale

Et comme tous les buzz lancés par le Pape en exercice - ils sont nombreux - celui-là me fait doucement rigoler.
Soit l'opinion qui se dresse de manière si pavlovienne contre chacune des initiatives vaticanes est de parfaite mauvaise foi, soit elle se berce d'illusions concernant la nature de l'Eglise catholique.
Cette dernière se positionne très peu en fonction de critères moraux. La morale, les grands et les petits principes qui permettent de progresser sur la voie de l'humanité sont, au mieux, du ressort des "fonctionnaires" de l'Eglise catholique et de tous les cultes en général. Il y a une fracture nette, essentielle, entre le secours que la religion peut apporter sur le terrain, et ce qui se joue au sommet de la hiérarchie de ces religions dont la fonction est de gérer des questions de pouvoir.
Le Pape est un chef d'Etat. Les fidèles de l'Eglise catholique ont le droit de le prendre comme chef spirituel. Mais les non-catholiques, dans la mesure où ils n'adhèrent pas aux valeurs de cette communauté, n'ont pas à juger ce chef d'Etat sur des critères autres que politiques.

Ce fait me semble essentiel pour dépassionner un peu la question du rôle de Pie XII durant la Seconde guerre mondiale.
S'est-il moralement comporté comme un saint ? Je trouverais franchement exagéré que le Vatican conclue en ce sens. Mais l'annuaire des saints catholiques est ainsi fait : il mélange joyeusement des âmes sans doute exceptionnelles à de pures ordures.
Pourquoi, alors, ne pas imaginer que Pie XII se situe quelque part entre ces deux extrêmes ? Cette hypothèse-là n'a pas ou peu voix au chapitre dans la polémique actuelle. Et cette absence de modération révèle à quel point l'opinion publique s'accroche à une conception dangereusement manichéenne de l'histoire de la Seconde guerre mondiale.

Du danger de se focaliser sur un Pape "bouc-émissaire": que les puissances irréprochables d'un bout à l'autre de  la Seconde guerre mondiale jettent la première pierre...

image.ashx.jpgIl faut parler du poids de l'anti-judaïsme chrétien dans les mentalités : il existe, et a certainement joué un rôle dans les complicités dont a bénéficié le régime nazi.
Demandons-nous cependant si les membres de la communauté internationale qui se sont battus contre ce régime ont montré réellement plus de clairvoyance que le chef d'Etat Pie XII concernant l'Holocauste. Les manuels d'histoire n'ont pas la place d'approfondir ce sujet. Mais des intellectuels, eux, osent dévoiler les ambiguïtés des acteurs que l'histoire officielle a rangé du côté des "gentils", du côté de ceux qui ont courageusement lutté contre la barbarie ambiante.

En bousculant un peu les idées reçues, on découvre ainsi des faces pas très sympathiques de la Résistance française. On peut aussi se plonger dans l'étonnante enquête de Laurel Leff, Relégué en page 7: Quand le New York Times fermait les yeux sur la Shoah.

Le débat sur la béatification de Pie XII pourrait être salutaire. Si seulement les "opposants" à Benoît XVI ne se laissaient pas piéger par la dialectique caricaturale du Vatican - une dialectique typique de tout endoctrinement politique, où la notion de complexité est évacuée au profit d'une opposition simpliste entre Paradis et Enfer, Héros et Traîtres, Hommes et Sous-hommes...
En bref, une dialectique dont l'histoire de la Seconde guerre mondiale devrait au contraire nous inciter à sortir. La question n'est vraiment pas de savoir de savoir si Pie XII fut un saint ou un salaud, mais pourquoi et comment ce chef d'Etat a pu osciller entre ces deux attitudes. J'espère qu'à l'ouverture des archives du Vatican, prévue pour 2013, cette interrogation essentielle sur le pouvoir et la politique saura l'emporter sur la tentation d'un énième lynchage papal.
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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 04:11
Le 5 décembre, le Journal du Dimanche publie un appel contre "La décision envisagée par M. le Ministre de l’Education nationale, dans le cadre de la réforme des lycées, de rendre optionnelle l’histoire-géographie en terminale scientifique".
Ce qui fait le poids de cette pétition, c'est qu'elle a été signée par des "universitaires, personnalités artistiques et politiques" comme l'indique l'hebdomadaire. Et de fait, l'ensemble de la presse fait écho à ce qu'elle baptise "L'appel d'historiens contre la suppression de l'histoire-géo".

Pourquoi que des "historiens" contre une mesure qui concerne aussi les géographes?

"d'historiens".... Bizarre, non? Pourquoi que des "historiens" puisque la géographie est elle aussi menacée? Mais si l'on reprend la liste des signataires de la première heure, il apparaît que le raccourci employé par la presse n'est pas déplacé. Il y a bien un philosophe dans la liste des "universitaires" connus qui ont souscrit à l'appel du JDD. Et même un démographe: on se rapproche... Mais aucun géographe pour exprimer sa "stupéfaction" auprès du Gouvernement.

Couverture-Revue Herodote-4eme trim 1976-Editeur MasperoIl en existe pourtant quelques-uns. Je ne sais pas si les instigateurs de l'appel l'ignorent, ou ont échoué à les contacter, ou si les personnes contactées ont décliné la proposition. Ce que je vois, c'est que "la presse" ne semble pas avoir pris la peine de relever cette absence.
Tout simplement parce que la géographie à l'école n'intéresse pas grand-monde, et pas seulement en Terminale S. Comme le révèle l'appel du JDD, malgré lui peut-être, la  "-géo" n'est qu'une parenthèse accolée à cette maîtresse héroïque, fougueuse, palpitante, qu'est l'histoire.

Les économistes, les climatologues, les militaires, les voyageurs de plus en plus nombreux et toute l'histoire de la Mondialisation parlent abondamment de géographie. Oui, mais les dirigeants français ont décrété son inutilité. Alors c'est dans l'ombre que les géographes se passionnent et luttent pour leur discipline, comme Yves Lacoste par exemple:

"La géographie est encore plus bradée que l'histoire."
"Pourquoi se préoccuper de la liquidation de la géographie dans l'institution scolaire française?"


Cet avis de décès du célèbre géographe a été publié dans sa revue, Hérodote, en... 1976. Il s'agissait alors d'une réaction à la refonte des enseignements et des manuels scolaires. Yves Lacoste annonçait que la rivalité entre histoire et géographie n'allait pas cesser d'augmenter dans le piètre espace qui leur était laissé. Toujours au profit de la première.

Aujourd'hui en France, quand on assassine la géographie, plus personne ne s'en aperçoit!

Plus de trente ans ont passé depuis le cri d'Hérodote. Je peux donc comprendre que les géographes ne prennent plus la peine de "se défendre" (publiquement) contre les tentatives de les bouter hors de l'école. Ils y sont depuis longtemps indésirables. Et certains professeurs d'histoire(-géo) n'ont vraiment rien fait pour les sauver...
Je pense, là, à l'exemple d'un de mes professeurs en filière Littéraire : il faisait littéralement la grimace quand il fallait aborder les sujets de géographie. Ses cours, passionnants quand il s'agissait d'histoire, consistaient alors à annoner des séries de chiffres et à écorcher les mots "étrangers".

C'est dire si le ministère de l'Education Nationale avait les moyens de la faire passer en douceur, sa politique de réduction d'effectifs - au moins en partie. Au lieu de supprimer la géographie et l'histoire dans une seule classe, ses responsables auraient réussi un très beau coup en annonçant l'abolition de la géographie pour tous. La France entière aurait applaudi. Mon ex-prof d'histoire(-géo) n'aurait sûrement pas été le dernier à se consoler des heures d'enseignement perdues, en rendant grâces au Gouvernement pour cette délivrance!
Mais il n'est pas trop tard : grâce au JDD, le ministère de l'Education Nationale sait maintenant comment regagner des points de popularité sans fâcher personne. Les géographes sont manifestement à point ; ils ne verront même pas passer la signature sur l'acte de décès - officiel, cette fois - de leur discipline.

Et puisque la connaissance du passé peut désormais n'être qu'une option, du moins pour les futures élites (oui, il paraît que les élèves de la filière Scientifique sont destinées à s'élever au-dessus des autres. ???), personne n'est obligé non plus de se pencher sur le titre un peu trop actuel de ce dossier d'Hérodote en 1976 :
"Brader la géographie.... Brader l'idée nationale?"
Ils ne comprennent décidément rien à la politique moderne, les adeptes de cette foutue géo!
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  • : Quand l'actualité croise des sujets sur lesquels j'ai lu, vu ou entendu des points de vue décalés et pertinents... c'est plus fort que moi: il faut que j'y ajoute mon grain de sel. Pourquoi alors baptiser ce blog Astarpam et pas Grain de sel? Par goût de la contradiction.
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